À chaque fois que j’ai créé une entreprise, j’ai réussi à la planter pour une raison récurrente : j’ai voulu aller trop vite.
Alors que je n’avais pas forcément les ressources nécessaires pour développer mes projets, j’ai préféré, plutôt que de prendre mon temps, les booster malgré tout à grands renforts d’investissements bancaires, ou en faisant entrer des (mauvaises) personnes dans mon capital.
Deux échecs cuisants et une vente d’appartement (pour couvrir le passif de mes activités) plus tard, j’envisage désormais l’entrepreneuriat de manière très différente. Car rétrospectivement, je suis convaincu que j’avais, face à moi, plein d’autres choix possibles que l’endettement, et que j’aurais tout à fait pu avancer dans ces projets de manière beaucoup plus frugale et durable.
À l’heure où des entreprises continuent de lever des sommes parfois pharaoniques pour des projets qui, la plupart du temps, ne verront pas le jour, la question peut se poser : peut-on créer une entreprise avec des ressources (très) limitées ?
Une entreprise peut-elle innover avec une technologie à faible coût ?
Quels sont les avantages et les défis à relever quand on décide d’opter pour une stratégie d’innovation frugale ?
J’espère aujourd’hui, dans cet article, vous ouvrir des pistes de réflexion pour vous permettre d’innover de manière frugale, créer des solutions pertinentes sans beaucoup d’argent, et offrir encore plus de valeurs à vos clients.
Et pour commencer, Qu’est-ce que l’innovation frugale ?
L’innovation frugale est une stratégie qui impose à une entreprise d’utiliser des ressources limitées ainsi que des technologies à faible coût, tout en se donnant un objectif : proposer à leurs clients des produits et des services qui offrent une valeur supérieure aux produits et services “conventionnels”.
L’innovation frugale permet notamment :
- De proposer un meilleur rapport qualité / prix
- De tenir un réel engagement écologique et sociétal
- D’être beaucoup plus agile dans le développement de produits et de solutions
Quelle est l’origine de l’innovation frugale
L’innovation frugale trouve son origine dans une philosophie indienne : le Jugaad.
C’est une philosophie qui, face à des contextes où les ressources et les moyens sont limités, mais où les défis à relever sont importants, a décidé de mettre la débrouille à l’honneur.
Cet objectif est tenu par la mise en œuvre de technologies simples et très peu coûteuses, mais qui permettent de répondre de manière très originale à des besoins clairement identifiés chez l’utilisateur final.
Si l’innovation frugale a tout d’abord été mise en œuvre dans des pays disposant de peu de ressources, elle s’est progressivement généralisée y compris en occident, notamment dans des entreprises qui cherchaient à élaborer des solutions efficientes, mais sans jamais faire de concessions sur la qualité finale proposée au client.
C’est d’ailleurs ce qui différencie complètement l’innovation frugale d’une stratégie low-cost : la frugalité n’est pas synonyme, loin s’en faut, de réduction de la qualité ou du niveau de prestation attendu. Au contraire, l’objectif est d’atteindre à minima le même niveau de qualité et service que dans les stratégies d’innovation conventionnelles.
Les maîtres mots de l’innovation frugale sont :
- Développement durable et engagement sociétal
- Résilience
- Une exigence de qualité sans concession
Les 8 principes mis en œuvre dans une stratégie d’innovation frugale
Il existe 8 principes qui permettent aux entreprises de structurer leur développement autour d’une stratégie d’innovation frugale.
Ces 8 principes ont été formalisés par Charles Leadbeater dans son ouvrage « The rise of the social entrepreneur » :
- se confronter prioritairement au réel (moyens disponibles, conditions d’utilisation de l’innovation, tests en situation…) ;
- soumettre le design aux exigences d’efficacité ;
- accompagner le produit en proximité avec le consommateur ;
- réutiliser ou recycler l’existant en l’améliorant ;
- favoriser les alliances de contributeurs et le partage des connaissances ;
- se focaliser sur le besoin à satisfaire et non pas sur le produit ou le service en tant que tel ;
- cultiver les stratégies du système D et de l’adaptabilité ;
- transformer les contraintes et situations de crise en force, en « cassant » l’inertie des habitudes au profit d’une approche nouvelle.
Un exemple d’innovation frugale particulièrement réussi
Bien sûr, les exemples d’innovation frugale sont très nombreux, et pas uniquement présents dans des startups ou des petites entreprises !
En effet, de nombreuses grandes entreprises ont adopté l’innovation frugale avec beaucoup de succès, comme, par exemple, Renault.
Néanmoins, un des exemples qui me touche le plus et que je trouve le plus emblématique d’une stratégie d’innovation frugale réussie est celui de Décathlon.
Au plus fort de l’épidémie de COVID, et face à la pénurie de respirateurs, Décathlon a contribué à transformer son masque de plongée Easybreath en respirateur 100% opérationnel, en y opérant des modifications mineures via des composants fabriqués en impression 3D, contribuant ainsi à sauver de très nombreuses vies.
Comment adopter un état d’esprit frugal dans sa stratégie, même si on est une toute petite entreprise ?
Il existe de nombreux moyens pour mettre en place une stratégie d’innovation frugale dans son entreprise, mais plutôt que de les énumérer toutes, j’ai décidé de les résumer en 3 principes qui vont vous permettre de vous lancer.
1 – Définir votre terrain de jeu
Définir son terrain de jeu, ça signifie se poser cette question : quelles sont les ressources qui sont effectivement à votre disposition pour lancer votre projet ? Et bien entendu, en proscrivant toute forme d’endettement, ou d’entrée en capital d’investisseurs potentiels.
Cet inventaire de vos ressources vous permettra dès le départ d’évaluer votre capacité d’investissement, et surtout de définir les axes qui nécessiteront de votre part de l’ingéniosité pour pouvoir innover !
2 – Faire de la maîtrise de vos coûts une obsession
Avant d’investir dans un outil ou une technologie, quelle qu’elle soit, posez-vous toujours la question : est-ce vraiment indispensable ?
Est-ce que je peux faire autrement avec les ressources actuellement à ma disposition ?
Est-ce que je peux proposer une approche différente qui me permettra d’atteindre le même objectif, mais avec un coût moindre ?
Un exemple que j’aime beaucoup pour illustrer ce point, c’est celui du guérilla marketing : une technique marketing à très faible coût qui utilise l’espace urbain pour promouvoir de manière efficace des produits et services. Cette technique marketing a notamment été très utilisée par l’entreprise Michel & Augustin à ses débuts !
3 – Pensez RECYCLAGE
Ceux qui me connaissent au quotidien savent à quel point j’ai le recyclage en obsession. Car c’est un problème auquel se trouve confronté de nombreuses entreprises, et qui les empêche d’atteindre une pleine rentabilité.
Deux exemples :
- Vous avez investi dans une technologie pour créer un produit. Pour votre prochain développement, plutôt que d’investir dans une autre technologie, travaillez plutôt à adapter la première pour atteindre votre objectif ! Cela vous permettra de rentabiliser la technologie existante et d’éviter la co-existence, dans l’entreprise, de technologies qui souvent remplissent des fonctions similaires.
- Un exemple lié au contenu à des fins marketing : face à la nécessité de communiquer, et notamment sur internet, les entreprises se trouvent face à une injonction à créer, en permanence, du contenu à la fois neuf et original. Or, ce contenu est souvent produit en dépit de toute forme de rentabilité, puisqu’il est rarement utilisé plus d’une fois. Avant de produire un contenu, posez-vous toujours cette question : quelles déclinaisons me permettront de réutiliser ce contenu ?
Dans les prochaines années, pas besoin d’être devin pour savoir que les ressources à la disposition des entreprises pour innover seront de plus en plus limitées.
Mettre dès à présent l’innovation frugale au cœur de votre projet vous permettra d’atteindre vos objectifs, souvent de manière beaucoup plus originale, et sans compromettre la qualité attendue par votre client final. Pour y parvenir, vous allez devoir adopter un état d’esprit d’aventurier en étant créatif et en acceptant de penser hors des sentiers battus.
C’est un défi, certes, mais existe-t-il un plus beau défi à relever pour un porteur de projet ?