La fabrication de savon véhicule de nombreuses légendes urbaines…
Et, je vous rassure, la plupart de ces légendes urbaines ne sont pas véhiculées que par des savonniers amateurs.
On les retrouve également chez de nombreux professionnels.
J’ai donc décidé d’initier une petite série d’articles dédiée à ces idées fausses autour de la saponification,
qu’il s’agisse de saponification à froid ou de saponification au chaudron.
Parmi ces idées complètement infondées, on trouve celle-ci :
En ajoutant une huile à la trace, celle-ci ne serait pas saponifiée : le surgras du savon serait donc uniquement composé de cette huile.
Dans ce billet, je vous explique pourquoi cette idée est fausse
et comment on peut, par contre, contrôler quelle huile servira de surgras dans votre savon.
Déjà, c’est quoi la trace ?
La trace est le résultat de la première émulsion entre l’huile et la lessive de soude.
On parle de trace à partir du moment où on commence à avoir une émulsion suffisante pour qu’il n’y ait pas de risque de déphasage.
On distingue 3 types de traces :
- Fine : l’émulsion est très légère et la pâte à savon très liquide.
- Moyenne : l’émulsion est un peu plus prononcée avec la consistance d’une crème anglaise
- Épaisse : consistance d’une crème pâtissière
Pourquoi ajouter une huile de surgras à la trace ?
L’idée part d’une bonne intuition de départ.
Quand on veut utiliser une huile rare dans un savon, par exemple une huile de jojoba, ou une huile de noyaux d’abricots,
L’idéal serait qu’elle soit le moins saponifiée possible pour en préserver les qualités.
Ici, donc, une fois la recette de votre savon calculée, on retire volontairement cette huile de surgras qu’on veut voir en surgras du premier mélange d’huile.
Une fois l’émulsion de l’huile avec la soude réalisée, on rajoute dans un deuxième temps l’huile de surgras et on mélange de nouveau.
Ainsi, on obtiendrait un surgras uniquement composé de cette huile.
Pourquoi ajouter l’huile de surgras à la trace ne fonctionna pas ?
Pour que cela fonctionne, cela supposerait que la saponification serait terminée au moment de l’intégration de l’huile rare.
Or, la saponification ne fait à ce moment là que commencer !
Et même en intégrant votre huile rare à ce moment là, la soude va la saponifier, de même que toutes les autres huiles.
Parce qu’en saponification à froid, le processus de saponification est long (de 24 à 48 heures).
Et comme les huiles rares sont aussi les huiles les plus fragiles, il y a de grandes chances qu’au final, elles se trouvent être les premières à être saponifiées.
Bref, espérer contrôler quelle huile est en surgras en saponification à froid, c’est une mauvaise idée.
Votre surgras sera composé d’un peu toutes les huiles qui constitueront votre recette.
Mais alors, comment contrôler l’huile de surgras dans un savon ?
C’est très simple : vous devez changer de procédé de saponification et passer sur une saponification au chaudron.
Dans le cadre d’une saponification au chaudron, la saponification est très rapide.
À peine quelques minutes.
Ainsi, vous pouvez contrôler quelle huile vous voulez avoir en surgras, car cette huile sera ajoutée après saponification !
Elle ne sera donc pas attaquée par la soude.
Ainsi, pour utiliser des huiles rares, et en préserver les qualités, la saponification au chaudron est votre seule alternative.
Et vous aurez en plus la grande satisfaction de découvrir un procédé de fabrication du savon passionnant.
“Elle ne sera donc pas attaquée par la soude”, qu’en est-il de la chaleur à ce moment ? Ne va-t-elle pas altérer l’huile de surgras ?
Non car le surgras n’est pas ajouté à haute température. Donc il est préservé. Pour que le surgras soit altéré à chaud, il faudrait que l’huile brûle, ce qui arrive seulement à très haute température, et donc jamais en saponification au chaudron.
Franchement ça fait un bail que je traine sur le net pour glaner des infos sur la SAF et tu es le 1er que je vois en parler. Je suis de filière scientifique mais pas chimiste et je me disais que ça me paraissait en effet louche de “contrôler” quelles huiles allait être “moins” saponifiées. Tu me confortes donc dans cette idée que tout ça est bien inutile. Quand est il par contre des HE ?
Les huiles essentielles en SAF sont uniquement utilisées pour leur parfum. Suite à l’action de la soude, elles perdent toutes leurs propriétés.
Pour préserver les propriétés des huiles essentielles, il faut utiliser la technique du chaudron car dans ce cas, les huiles essentielles sont ajoutées après saponification.
OK la encore c’est bien ce qu’il me semblait, quand à leur parfum faut mettre la dose si on veut qu’au bout d’1 mois de cure il reste une odeur et du coup la doser pour ne pas que ce soit trop puissant c’est pas évident (et là encore c’est pas forcément très économique du coup) et j’imagine que les hydrolats, jus de légumes/fruits et autres poudres ou morceaux de végétaux une fois dans la soude leur propriétés disparaissent aussi… Va vraiment falloir que je me mette à la saponification à chaud !
Je suis tellement heureuse du réconfort q tu nous apporte à ce sujet j’avais commencé par la SAF mais quand j’ai découvert les réalités au niveau justement de la conservation des ajouts je ne jure que par les savons au chaudron ils sont les meilleurs et ce n’est q le début d’une d’une aventure . 😚
La SAF, perso, j’adore aussi ! Mais c’est une autre démarche selon moi, plus esthétique. Bon, les savons sont quand même extras, mais en SAF, je vais plutôt rechercher un BEAU savon. Alors qu’au chaudron, je vais privilégier un BON savon.