Lorsque j’ai décidé de mener une vie plus frugale, ma plus grande difficulté a été de me confronter au regard des autres.
Et mes difficultés à m’y confronter m’ont pendant longtemps freiné, tout simplement parce qu’au-delà des difficultés rencontrées à vouloir adopter un nouveau mode de vie, je me suis vite rendu compte que ce changement m’exposait au jugement de mon entourage.
Personnel, pour commencer, puis professionnel.
Et c’est très clairement ce regard que je sentais en permanence peser sur moi qui m’empêchait de pleinement vivre le mode de vie que je souhaitais.
Ou qui m’amenait à le cacher, comme un secret honteux, alors qu’il ne s’agissait que de mener une vie plus simple.
Dans cet épisode, je vais vous expliquer la manière dont je me suis, progressivement, affranchi du regard des autres.
Je ne dis pas que j’y suis à ce jour totalement parvenu, mais j’ai au moins réussi à assumer pleinement mon mode de vie, sans avoir peur de la condamnation d’autrui.
Mais qu’est-ce qui gênait les autres, exactement, dans mon changement de mode de vie ?
Naïvement, lorsque j’ai commencé à vouloir repenser ma manière de vivre et surtout ma manière de consommer, j’ai naïvement cru que ce nouveau mode de vie ne regardait que moi.
Sauf que je me trompais.
En tant que membre d’un groupe social, mon changement de mode de vie remettait également en cause le mode de vie de tout mon entourage.
En effet, lorsque nous choisissons notre cercle, c’est à dire les personnes que nous côtoyons le plus, nous avons consciemment, ou inconsciemment tendance à nous entourer uniquement de personnes qui nous ressemblent.
C’est à dire de personnes qui :
- On me même niveau socio-culturel
- Ont le même niveau de vie
- Ont les mêmes idées et les mêmes comportements.
Et dans l’environnement familial, c’est exactement la même chose : tout groupe dans lequel nous appartenons exerce sur nous, comme nous exerçons sur lui, une forme de pression à la conformité, et c’est cette pression mutuelle qui assure la cohésion de l’ensemble.
En gros, nous sommes un groupe parce que nous partageons les mêmes idées et les mêmes valeurs.
Pourquoi est-ce si important ?
Simplement parce que la socialisation, c’est-à-dire notre capacité à nous agréger en groupes, est un des facteurs d’adaptation de notre espèce qui nous a permis d’assurer notre survie, et surtout notre développement.
Le groupe, c’est ce qui nous valide dans ce que nous sommes, et nous donne quelque-chose d’inestimable à nos yeux : un sentiment d’appartenance.
J’existe parce que je fais partie de ce groupe avec lequel je partage ces valeurs, ces représentations et ce mode de vie.
C’est d’ailleurs un phénomène très connu en psychologie, phénomène qu’on appelle également un biais cognitif. Il s’agit du biais de confirmation.
Qu’est-ce que c’est ?
C’est une tendance instinctive de l’être humain qui le pousse à rechercher toutes les informations qui le confirment dans sa manière de penser, et à négliger toutes les autres. Voire même à les rejeter.
C’est ce qui fait, par exemple, que vous avez des amis qui pensent la même chose que vous, et que même au sein de votre famille, les personnes que vous fréquentez le plus sont celles qui partagent le plus vos valeurs.
Et c’est ce qui fait également que lors des repas de famille, on nous explique qu’il ne fait aborder aucun sujet clivant : pour préserver la cohésion du groupe.
Et dans le milieu professionnel ?
Et bien c’est exactement la même chose !
Sauf que la cohésion du groupe est assurée par l’entreprise et les valeurs qu’elle véhicule. C’est d’ailleurs, comme dans une famille, pour cette raison que les opinions personnelles ne peuvent s’inviter au sein de l’entreprise.
Et que beaucoup de salariés ne se reconnaissent pas dans les valeurs de l’entreprise.
Quand on est entrepreneur, c’est beaucoup plus complexe : lorsqu’on est seul et qu’on a besoin de travailler, difficile de refuser tel ou tel client au prétexte qu’il ne correspond pas exactement à nos valeurs.
Et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’on retrouve, chez les entrepreneurs, cette aspiration de fond à ne vouloir avoir QUE des clients qui leur ressemblent vraiment.
Et que beaucoup de coachs pour entrepreneurs surfent sur cette promesse : grâce à moi, vous allez ATTIRER des clients qui vous ressemblent.
Que ce soit dans la sphère personnelle, ou la sphère professionnelle, il y a une chose que nous détestons absolument : nous retrouver en dissonance cognitive, c’est à dire confrontés malgré nous à des idées et des représentations que nous ne partageons pas.
Que s’est-il passé lorsque j’ai décidé de modifier mon mode de vie ?
Très clairement, la réaction du groupe auquel j’appartenais a été fulgurante : j’ai été très rapidement ostracisé.
En gros, si je voulais continuer à faire partie du groupe, il allait falloir que je revienne à la raison, c’est-à-dire aux idées et représentations du reste du groupe.
Je vais prendre un exemple symptomatique, parce que je pourrais en lister des tas et que je ne vais pas vous raconter toute ma vie uniquement dans cet épisode.
Cet exemple, c’est celui de ma consommation de viande.
Un des premiers changements dans ma vie a été de réduire drastiquement ma consommation de viande avec un objectif : arrêter d’en consommer.
Comme je vous l’ai déjà dit au fil des épisodes de ce podcast, je ne suis pas encore parvenu à atteindre cet objectif, mais je dirais qu’à ce jour mon alimentation est à 90 / 95% non carnée.
Et clairement, ma plus grande difficulté à atteindre mon objectif a été de me confronter au groupe auquel j’appartiens.
Pourquoi ?
Parce que la réaction du groupe auquel j’appartiens a été extrêmement violente.
Et incompréhensible pour moi à l’époque.
Je me suis retrouvé confronté à trois réactions :
Premièrement, le discrédit : plutôt que de respecter un choix que je ne cherchais d’ailleurs à imposer à personne, je suis devenu, du jour au lendemain, l’objet de moqueries de mon entourage.
Deuxièmement, le déni : par exemple, être invité à passer un week-end chez des amis à qui tu expliques que tu ne manges pas de viande, et te retrouver pendant deux jours avec uniquement de la viande à manger.
Troisièmement, l’exclusion : d’un seul coup, on ne t’invite plus, on ne te propose même plus d’aller prendre un verre ou un apéro. Et on ne répond plus à tes invitations également. Tu ne fais plus partie du groupe tant que tu n’es pas revenu dans le rang, tant que tu n’as pas changé de comportement.
Ici, je ne vous ai donné que l’exemple de ma consommation de viande, mais j’aurais pu vous en donner d’autres, comme par exemple le fait de ne plus avoir de voiture. Ou mon souhait d’avoir un projet entrepreneurial qui ne vise pas simplement la croissance et le profit.
Quelle que soit la manière dont vous pensez hors du groupe, la mécanique reste identique.
Bref, comment faire pour dépasser le regard des autres ?
Pour commencer, j’ai vite réalisé qu’on ne pouvait pas vivre sans appartenir à un groupe social : c’est tout simplement impossible.
Penser vivre sans le groupe et en accord avec ses idées est une pure utopie.
Ce qui m’a le plus aidé, pendant toutes ces années, a été de rejoindre des communautés de personnes qui partageaient les mêmes valeurs et représentations que moi.
Déjà, j’ai vite réalisé sur Facebook qu’il existait plein de groupes qui partageaient des représentations dans lesquelles je pouvais me retrouver.
Même si j’utilise de moins en moins Facebook à titre personnel, je reste très actif sur certains groupes dans lesquels j’ai vraiment rencontré des personnes particulièrement bienveillantes.
Et surtout des personnes qui m’ont aidé à progresser.
Par exemple, j’ai rejoint des groupes sur la cosmétique naturelle, sur l’alimentation végétale, sur les techniques de fermentation, sur la récup, et encore plein d’autres thématiques.
Bref, c’est ce qui m’a permis à un moment de ne pas me sentir complètement isolé : pouvoir échanger avec d’autres personnes qui vivaient exactement la même chose que moi.
Ensuite, j’ai décidé de prendre la parole et d’arrêter d’avoir honte de mes choix de vie.
Et c’est pour cette raison que j’ai créé ce podcast il y a un mois et demi, ou encore mon blog il y a deux ans.
Écrire et parler ouvertement de mes choix de vie a été ma meilleure thérapie, ce qui m’a vraiment aidé à me sortir de ce sentiment terrible d’être à contre-courant de tout son entourage.
Et ce qui m’a vraiment fait du bien, ça a été de voir que beaucoup de personnes considéraient petit à petit mes médias comme des références pour leur propre chemin.
Loin de moi l’idée de devenir un gourou, j’ai déjà bien trop à faire avec moi-même.
Mais aujourd’hui, ce sont entre 400 et 600 personnes qui viennent chaque jour consulter mon blog, et qui me font des retours extrêmement positifs !
Enfin, et ça a été certainement le plus difficile, j’ai décidé de m’affirmer et de ne plus accepter les 3 comportements cités plus haut, quitte à me séparer définitivement de personnes chères.
Je n’accepte ni le discrédit, ni le déni, ni l’exclusion.
Je n’accepte que le dialogue que j’essaie d’ouvrir lorsque je ressens en face de moi une de ces trois réactions.
Si le dialogue est possible et que la personne en face de moi arrive à comprendre que je ne cherche à rien imposer, et qu’en échange, je demande seulement à être respecté et accepté dans mes choix, tant mieux.
Et sinon, je préfère tout simplement mettre fin à la relation.
Amicale, comme familiale. Peu importe.
Bien entendu, j’ai mis près de 10 ans à en arriver là, et encore aujourd’hui, rien n’est simple ou évident.
Mais aujourd’hui, j’ai une satisfaction : celle de mener exactement la vie que j’ai choisie, qu’elle plaise ou non aux groupes auxquels j’appartient.