Comme je le dis souvent, rien ne me destinait dans ma vie à entreprendre.
J’ai fait des études universitaires, des études de philosophie pour être précis, et je ne suis d’ailleurs même pas allé jusqu’au bout.
J’ai ensuite travaillé dans la vente, d’abord dans l’exploitation cinématographique, puis dans le secteur du livre.
Et j’ai eu, dans cette dernière expérience, la chance de diriger certaines des plus belles librairies de France.
J’ai eu l’opportunité de manager des centaines de personnes, j’ai participé à créer des événements, comme des salons par exemple, qui continuent d’exister au moment où nous parlons et sont devenus incontournables.
Bref, je me suis beaucoup amusé. En tant que salarié, j’ai eu une très belle carrière professionnelle.
Mais ce que moi je pensais à l’époque, c’est que je m’emmerdais prodigieusement, et que je n’en pouvais plus de devoir vivre avec plein de frustrations qui ne trouvaient pas de solutions.
D’avoir plein d’idées, d’envies, mais de ne pas pouvoir les mettre en œuvre pour la simple et bonne raison que ce n’était pas mon entreprise.
Et croyez-moi, il n’y a rien de pire que d’avoir une bonne idée et la conviction qu’elle pourrait marcher, et de s’entendre dire que même si elle est intéressante, ce n’est pas une priorité, et qu’il faut que tu prennes conscience que tu n’es pas payé pour avoir ces bonnes idées.
En 2012, suite à un burn-out, ou plutôt à un bore-out, je prends la plus grande décision de toute ma vie.
Je décide de me lancer et de créer mon propre projet.
Je reviendrais dans le dernier épisode, celui de dimanche, de cette série sur l’entrepreneuriat frugal, sur mon expérience d’entrepreneur.
Mais ce que je peux dire aujourd’hui, c’est qu’elle a été extraordinaire et vraiment enrichissante.
Il n’y a pas eu que des succès, c’est certain !
J’ai vécu un dépôt de bilan, la fermeture d’un autre projet qui me tenait vraiment à coeur, mais peu importe : j’ai vraiment pris conscience en entreprenant que mes idées valaient vraiment quelque-chose et que j’avais toute l’énergie en moi pour lancer un projet et surtout pour en vivre !
Aujourd’hui, suite à la fermeture de mon projet passion, une savonnerie artisanale, je suis revenu depuis un an dans le salariat. Mais j’ai la chance de pouvoir travailler au quotidien au contact d’entrepreneurs super inspirants, puisque je bosse dans un organisme de formation qui aide des petits entrepreneurs à donner vie à leur projet.
Et en parallèle, parce que entrepreneur un jour, entrepreneur toujours, je développe en parallèle Les Chemins de la Frugalité, c’est-à-dire le podcast que vous êtes en train d’écouter.
Un projet que j’ai décidé de développer de manière 100% frugale, contrairement à mes projets différents.
Pourquoi ?
Parce que même si mes projets précédents étaient en soi d’excellents projets qui m’ont rémunéré, ils ont néanmoins échoué pour une raison : j’étais tellement obsédé par l’idée de réussir que je me suis retrouvé à réaliser des investissements complètement inconsidérés pour développer ces activités.
Des investissements qui ont mis sur mes projets, et donc sur moi-même, une pression à la croissance et au chiffre d’affaires constante.
Et qu’au final, ces investissements inconsidérés grévaient la rentabilité de mon projet (au point d’ailleurs qu’à un moment, j’avais l’impression de travailler uniquement pour rembourser ma banque), tout en me rendant terriblement malheureux.
C’est pour cette raison que cette semaine, j’ai eu envie de privilégier cette thématique.
Parce que plein de personnes n’osent pas se lancer parce qu’elles estiment ne pas avoir suffisamment de moyens pour entreprendre, ou se lancent à grands renforts de prêts bancaires qui les lient, pieds et poings, dès le démarrage de leur activité, alors qu’il existe d’autres manières de créer son activité.
Qu’il est possible de créer une entreprise même avec très peu de moyens, ou juste les moyens du bord.
Attention néanmoins, entreprendre de manière frugale ne signifie pas qu’on est pas capable d’investir ou de dépenser de l’argent, ni qu’on ne sera jamais amené à chercher des financements !
Ça signifie surtout qu’avant d’investir, on va veiller à ce que son projet soit viable et rentable, et qu’à chaque étape de la vie de son projet, on va mettre en œuvre des stratégies pour maîtriser ses coûts.
Je vous souhaite de prendre du plaisir en découvrant une autre manière d’entreprendre, à la fois plus sereine et qui laisse au porteur de projet non seulement sa liberté, mais aussi son droit à l’erreur.
Et bien entreprendre, ça commence par avoir une vraie bonne idée…
Je connais des gens, et j’en fais partie, qui sont capables d’avoir une idée d’entreprise par minute.
À partir du moment où on nous stimule, nous pouvons parvenir à poser en quelques minutes les bases d’une activité a priori rentable… sur le papier !
Car la vérité, c’est que toutes ces idées sont rarement opérationnelles, pour la simple et bonne raison qu’elles n’ont pas été vraiment bien travaillées.
Et pour bien travailler son projet, il faut commencer par se poser les bonnes questions :
- À qui est-ce que je vais vendre mon produit
- Est-ce qu’il existe un marché ou est-ce qu’il va falloir le créer
- Qu’est-ce que je vais vendre exactement
- Comment est-ce que je vais le vendre
- À quel prix
- De quelle manière est-ce que je vais parler de ce produit
- Etc.
Et ce ne sont pas des questions qui appellent des réponses hâtives !
Elles nécessitent un vrai travail de recherches pour pouvoir s’assurer qu’on a vraiment entre les mains une très bonne idée.
Et même en faisant ce travail, il faut être prêt à tout moment à se remettre en question.
Tout ce travail, je l’ai vraiment fait avec ce podcast Les Chemins de la Frugalité, et ça pour la première fois, même si je n’avais rien à vendre.
Avant, je faisais comme une majorité d’entrepreneurs : je me lançais la rose entre les dents sans savoir si mon idée était réellement viable.
Sauf que comme la théorie n’a souvent rien à voir avec la pratique, je me retrouvais vite dans une voie de garage, et je perdais a posteriori beaucoup de temps et d’argent pour parvenir à réorienter mon activité.
Bref, prendre le temps de vous poser les bonnes questions dès le départ est à la base de l’entrepreneuriat frugal et vous permettra paradoxalement de gagner un temps précieux au démarrage de votre activité.
L’entrepreneuriat frugal, c’est aussi développer une idée, et donc une activité qui vous tient vraiment à coeur
Bien sûr, vous pourriez tout à fait entreprendre frugalement avec un projet d’entreprise qui ne serait pas un projet passion.
Comme nous allons le voir durant toute cette semaine, l’entrepreneuriat frugal est avant tout un état d’esprit qu’on peut appliquer à tout type de projet.
Même un projet d’entreprise qui n’aurait pas une résonance profonde en vous.
Mais laissez-moi vous partager mon expérience.
Sur mes 10 années d’entrepreneuriat, j’aurai passé à peine deux années à conduire un projet qui faisait vraiment du sens pour moi, c’est-à-dire mon projet de création d’une savonnerie artisanale.
Les 8 autres années, je les ai passées à bosser sur des projets pour lesquels la seule motivation était l’argent.
Bien sûr, j’ai fait de très belles choses dans le cadre de ces projets, et beaucoup de personnes dans mon réseau professionnel, par exemple sur LinkedIn si je ne prends que les réseaux sociaux, me connaissent uniquement en tant que professionnel et expert du marketing digital.
Oui, j’ai eu l’opportunité de travailler avec les plus belles entreprises de France, oui, j’ai même à un moment travaillé sérieusement à développer cette activité, j’ai créé des emplois, et j’avais même l’ambition folle de faire de mon agence de marketing une des plus belles agences de France, ce qui très heureusement n’est pas arrivé.
Parce que je détestais du fond du cœur cette activité. Et qu’elle me rendait terriblement malheureux.
Oui, elle me permettait de gagner de l’argent et d’avoir même un statut social “respectable”.
Mais cette activité me mettait complètement en dissonance cognitive.
Car qui est Lionel Clément, réellement ?
Et bien c’est très simple : je suis un mec qui aime fabriquer du savon, du pain, qui aime aider les autres à développer leurs projets si ces projets font sens pour moi. C’est quelqu’un qui aime vivre dans la simplicité, et qui met le bonheur des autres bien au-dessus de son propre bonheur.
J’ai mis beaucoup de temps à comprendre que je ne pouvais pas continuer à mettre mes vraies valeurs entre parenthèses, et encore plus de temps pour parvenir à arrêter mon activité.
Et que finir cette activité m’a coûté énormément, elle m’a coûté ma savonnerie.
Car si beaucoup pensent que si j’ai stoppé ma savonnerie, c’est parce qu’elle ne fonctionnait pas, sachez que ce n’est pas du tout pour cette raison, bien au contraire. Elle marchait très très bien.
J’ai mis entre parenthèses mon projet de savonnerie pour pouvoir définitivement stopper ma première activité, pour pouvoir solder son passif. Et ça a été terriblement douloureux.
Parce que c’était en fait ma toute première idée.
C’était le projet que je voulais conduire il y a 10 ans, mais dans lequel je n’ai pas suffisamment eu confiance à l’époque pour oser me lancer.
Lorsqu’il y a quelques semaines j’ai lancé les chemins de la frugalité, beaucoup de personnes m’ont demandé pourquoi je me lançais dans ce projet farfelu.
La réponse est simple : parce que ce projet, c’est moi, le vrai moi. Et que je ne veux plus travailler sur des projets qui ne font pas sens pour moi. Parce que je n’ai plus le temps de ça à bientôt 50 ans.
Je ne sais absolument pas où il me mènera, même si j’ai fait le travail, comme je vous le disais au début de cet épisode, de me poser les bonnes questions. Car je sais aussi qu’un projet évolue et grandit, et peut nous faire explorer de nombreux chemins de traverse.
Mais ce que je vous raconte dans ce podcast, vous parler de minimalisme, de fabrication de pain, d’entrepreneuriat aussi, parce que je suis convaincu que les entrepreneurs peuvent aider à changer le monde, mais aussi à l’avenir des techniques de fermentation, de nos déchets alimentaires, et encore et toujours de savonnerie, et de plein d’autres choses encore, c’est ce qui me fait vraiment vibrer à l’intérieur.
Et peu importe qu’on me dise que mon projet est farfelu : ce qui est important, c’est qu’il me fasse tellement vibrer, et que le développer ne soit pas une contrainte mais un plaisir qui me nourrit et me grandit.