On imagine pas à quel point nos possessions ont une importance capitale dans nos vies, jusqu’à ce qu’on risque vraiment de les perdre.
Ou qu’on les perde effectivement.
Pendant des années, j’ai passé mon temps à accumuler… Tout en ayant l’impression de ne pas posséder grand-chose !
Et je ne parle pas que des objets, car les objets n’étaient vraiment que la partie très visible de l’iceberg.
J’accumulais aussi les projets et les activités, au point de traquer la moindre minute d’oisiveté pour l’occuper.
J’accumulais aussi les kilos, parce que manger beaucoup me donnait une sensation de paix que je ne trouvais pas autrement.
Et j’accumulais également les dettes, car tout cela, les projets, les possessions, etc. avaient un prix, mais c’était pour moi essentiel afin de renvoyer aux autres, et surtout à mes propres yeux, l’image de quelqu’un qui avait réussi.
C’est fou quand on y pense, cette obsession de la réussite. Cette manière de penser qu’en accumulant certains marqueurs sociaux, un peu comme des badges pokémons, nous allons renvoyer aux autres, mais en fait surtout à nous-mêmes, une image satisfaisante ?
Il y a quelques semaines, j’ai vu à la télé un reportage lié à l’inflation. Ce reportage se déroulait à la sortie d’un supermarché, et la journaliste interviewait des personnes en sortie de caisse pour savoir quel était le prix de leur caddie et s’ils s’en sortaient.
Bref, un reportage bien démagogique comme je ne les aime pas, mais la réaction d’une des personnes m’a interpellée.
Son caddie était rempli à ras bord de malbouffe complètement superflue, et elle affirmait qu’avec le strict nécessaire qu’elle avait acheté, elle ne parvenait pas à s’en sortir. Elle parvenait à peine à nourrir sa famille.
La journaliste lui fait donc remarquer qu’on ne pouvait pas vraiment dire que son caddie ne contenait que le strict nécessaire.
La personne s’énerve alors, et répond à la journaliste “mais je travaille, moi, madame. Ce qu’il y a dans ce caddie, c’est ce que je mérite pour mon travail !”.
Même si le reportage était somme toute particulièrement putaclic, cette dernière phrase m’a fortement marqué.
Pourquoi ?
Parce qu’elle est selon moi symptomatique de cette frénésie de possession dont nous avons besoin pour pouvoir nous dire que nous avons réussi, que nous méritons la place que nous occupons socialement.
Et que pendant des années et des années, j’ai pensé exactement comme ça.
J’ai pensé que je méritais ce que j’accumulais, et que si jamais, un jour, je devais les perdre, ce serait certainement la fin du monde. Que je n’y survivrais certainement pas.
Or, il y a deux ans, j’ai tout perdu.
Comment j’ai tout perdu en seulement quelques mois
Mon agence de marketing digital, suite au COVID, était en liquidation judiciaire, et j’étais redevable, à titre personnel, de sommes d’argent importantes.
Même si j’avais rebondi vers mon projet de savonnerie qui fonctionnait très bien, celui-ci ne me permettait malheureusement pas de me verser un salaire suffisant.
Et bien entendu, les créanciers ont commencé à taper à ma porte.
Pour s’en sortir, il n’y avait qu’une solution : accepter de tout perdre.
C’est à dire :
- Vendre mon appartement pour couvrir les dettes de ma première entreprise et solder une bonne fois pour toutes cette activité.
- Fermer ma savonnerie, même si l’activité était saine, pour pouvoir trouver un travail salarié qui m’assurerait une sécurité.
- Quitter Grenoble, une ville où certes j’habitais depuis plus de 10 ans, mais où j’avais l’impression d’être complètement bloqué.
Je ne vous cache pas que tout perdre n’a pas été un moment facile. Le pire moment a certainement été la vente de notre appartement, quand tu sais que tu ne pourras même pas profiter du moindre euro de ton énorme chèque.
Néanmoins, je me suis finalement, et paradoxalement, senti soulagé.
Oui, j’avais tout perdu, mais j’avais gagné quelque chose que je n’avais pas ressenti depuis de très nombreuses années : de la tranquillité d’esprit.
Pendant des années, en effet, j’avais vécu sous pression : la pression de l’argent, pour la simple et bonne raison qu’il m’en fallait toujours plus pour assurer mon mode de vie, ce qui m’obligeait à m’infliger des violences terribles pour y parvenir.
D’un seul coup, je me retrouvais sans cette pression.
Je n’avais plus rien, certes, mais je n’avais plus de dettes.
Je gagnais suffisamment ma vie pour subvenir à mes besoins.
Et surtout, j’avais gagné quelque chose que je n’avais jamais expérimenté auparavant : de la bande passante de cerveau.
Plutôt que de m’affliger sur mon sort, qui en définitive était plutôt enviable à mes propres yeux, je me suis dit que je pouvais certainement m’alléger encore plus.
Je me suis dit que j’allais faire de ce mode de vie frugal une force. Parce que quand on possède beaucoup moins de choses, on découvre d’un seul coup qu’on est riche de beaucoup d’autres.
Mes trois apprentissages
Premièrement, j’ai retrouvé mon bien-être et ma joie de vivre.
Ça peut vous sembler un peu cucul dit comme ça, mais c’est je crois le gain le plus immédiat que j’ai ressenti. Parce que quand on travaille 15 heures par jour, pendant des années et des années, sans jamais prendre un jour pour soi, même si on gagne de l’argent, je vous garantis qu’on n’est pas heureux.
Deuxièmement, j’ai retrouvé du temps juste pour moi !
Du temps pour flâner, pour aller se balader sans objectifs, juste pour regarder le paysage, du temps aussi pour écrire ! Et j’ai également arrêté de perdre du temps à me vider la tête pendant des heures en consommant des conneries sur les réseaux sociaux.
Enfin, troisièmement, j’ai retrouvé le plaisir de la simplicité.
Fabriquer mon pain, mes cosmétiques. Acheter des aliments simples et de qualité pour les cuisiner. Rester dans le silence. Passer du temps avec mon conjoint ou encore avec mes deux chiens. Bref, ça peut sembler très peu de choses, mais croyez-le ou non, tout perdre aura été finalement pour moi la meilleure chose qui pouvait m’arriver.